Arthur marche à petits pas rapides dans la rue silencieuse, la main fortement serrée par celle de Mack, son tuteur légal depuis deux ans. Ce dernier marche sans rien regarder des rues désertes et sales qu’ils empruntent, et sans tenir compte du rythme trop pressé qu’il impose à l’enfant. Mais après tout ce n’est pas le sien ! Et si ce poids que le Ministère de la Famille lui a imposé peut lui rapporter un peu d’argent, il ne va pas s’en priver. Arthur a douze ans, et il n’a pas à se plaindre particulièrement de Mack. Des enfants rencontrés dans les différentes écoles qu’il a fréquentées lui ont raconté des histoires à faire peur sur les mauvais traitements qu’ils pouvaient subir dans leurs Cellules Familiales Républicaines. Mais Arthur regrette quand même son précédent tuteur, Paul Vilarene, le vieux monsieur si gentil chez qui il est inexplicablement resté presque quatre ans, un temps deux fois plus long que la moyenne, érigé en règle par le Ministère de la Famille afin d’éviter un trop fort attachement entre les enfants et leur maison d’accueil.
Tout en marchant (Comme je descendais des fleuves impassibles…) il s’absente comme souvent du réel, les yeux grands ouverts (je ne me sentis plus guidé par les haleurs…), revoit les longues heures passées dans le sous-sol soigneusement dissimulé de la maison de Paul. La cave était éclairée chichement par une ampoule fatiguée et, le plus souvent en fait, par quelques bougies lors des trop nombreuses coupures de courant qui étaient la règle pour tous les habitants de la capitale. Car l’énergie était chère et rare, mais c’était pire dans les banlieues ou les quelques campagnes encore habitées où l’électricité ne parvenait plus que très irrégulièrement. Il n’y avait que dans les quartiers riches que l’électricité parvenait en permanence, mais il n’avait jamais habité dans ceux-là. Il y avait même des rues éclairées par des lampadaires !
Il se souvient du sourire enfantin du vieil homme quand il lui lisait des histoires dans des livres poussiéreux. De vrais livres en vrai papier ! Il se revoit assis en tailleur à même le sol, écoutant Paul parler d’une autre époque, quand la famille était encore un lieu de tranquillité, et que garçons et filles pouvaient vivre avec leurs parents. Lui ne sait même pas qui sont les siens. Comme tous les enfants, il va de famille d’accueil en famille d’accueil, d’école en école, parvient à se faire de rares amis qu’il doit ensuite quitter en changeant de quartier ou même de ville.
Et c’est pareil dans le monde professionnel que lui décrit Paul. Un monde où tout un chacun doit changer de ville, d’entreprise et souvent même de métier tous les deux ans. Où la compétition entre intérimaires – les emplois fixes n’existent plus depuis longtemps – est portée à son paroxysme. Où la délation est récompensée, permettant à chaque Judas de conserver quelques jours de plus ses dérisoires avantages, comme une pause repas doublée à vingt minutes ou l’autorisation d’aller à la machine à café – mais c’est un vrai jus de chaussette ironise Paul – deux fois par jour pendant cinq minutes.
Et Arthur l’écoute parler d’une époque où le fichage numérique n’existait pas de façon aussi intrusive qu’aujourd’hui, où les humains n’étaient pas pucés, identifiés et géolocalisables dès l’âge de trois ans, où il était possible de voyager, d’avoir des amis et des opinions. Un temps où le mot liberté n’était pas le plus court chemin pour aller dans un camp de rééducation, c’est-à-dire de travail forcé.
Il a lu des centaines de livres dans cette cave, savouré des milliers de poèmes dont il connaît un nombre impressionnant par cœur, avec une préférence marquée pour la simplicité aiguisée de Supervielle, le romantisme sombre de Baudelaire, la fluidité de Verlaine, l’imaginaire de Rimbaud. Ces mêmes livres qui ont brûlé avec la maison quand la police est venue détruire « ce nid de terroristes qui ne méritent pas de faire partie de notre belle démocratie ». Il ne sait pas ce que Paul est devenu. Son dernier souvenir de lui, alors qu’il était emporté tel un sac par un policier en armure de kevlar, est le corps recroquevillé du vieil homme tentant de se protéger des matraques. Et le sang qui marquait son visage tuméfié tandis qu’il lui adressait un dernier sourire étincelant entre les barreaux des coups.
L’arrivée au Centre National de Recherche Neurologique l’interrompt dans ses souvenirs. Assis sur une chaise dans le hall d’accueil, il regarde Mack signer des papiers, puis râler quand il entend vaguement l’hôtesse d’accueil parler d’un règlement sous trois jours. L’air vaguement gêné, Mack vient vers lui.
— Je te laisse ici. Tu comprends, je n’ai plus les moyens de te nourrir.
— Je vais faire quoi ici ?
— Tu obéis, tu te tiens bien et tu ne fais pas d’histoires, compris ? C’est un grand centre de recherche sur les neurosciences. Tu seras bien logé et bien nourri. Mieux que chez moi en tout cas. Tu fais ce qu’ils te disent, et tout ira bien.
— Tu reviens me chercher quand ?
— Tu restes ici Arthur, tu es la propriété de l’État maintenant.
Et à grands pas rapides, Mack sort du centre de recherche sans un regard en arrière.
Habillée d’un strict uniforme militaire beige clair, une femme au visage fermé s’approche de lui. Spontanément, il se lève. Elle le toise des pieds à la tête.
— Suis-moi.
Elle fait demi-tour sèchement et part sans même se retourner vers les portes battantes qui mènent à l’intérieur du centre, tandis qu’il la suit en trottinant. Elle le mène dans un labyrinthe de couloirs vides jusqu’à la porte 1984-R2V3S, et le fait entrer dans ce qui désormais sera sa chambre – une fenêtre à barreaux en hauteur, un lit étroit, une petite table et une chaise toutes deux fixées au sol, un WC dans un coin et un lavabo – tout en lui dispensant les consignes qu’il devra désormais suivre.
— Interdiction de sortir de ta chambre sans autorisation. Le réveil est à six heures. Tu fais ta toilette. Et inutile de te plaindre, il n’y a que de l’eau froide. Le petit déjeuner est à sept heures précises, le déjeuner à douze heures trente et le dîner à dix-neuf heures trente. Extinction des feux à vingt et une heures trente. L’école a lieu dans le bâtiment D, de huit heures trente à douze heures et de treize heures trente à dix-huit heures. L’alarme – elle lui montre la pendule suspendue au-dessus de la porte de la chambre – sonnera cinq minutes avant les heures de repas et pour le réveil du matin. Tu seras convoqué aux examens neurologiques par…
— Quels examens ?
— Première règle, tu ne coupes jamais la parole à un adulte. Tu ne parles que si on te pose des questions, compris ?
— O… Oui madame.
— Tu seras donc convoqué aux examens et tests par cet interphone (elle lui montre le petit écran à côté de la porte). Tu dois répondre avant la troisième sonnerie, quelle que soit l’heure. Un agent viendra te chercher pour te déplacer. Une question ?
— Pourquoi je suis ici ?
— Tu as été cédé par ton tuteur afin de participer à un grand programme de recherche sur les rêves. L’État est maintenant ton tuteur légal. Jusqu’à ta majorité, nous prenons toutes les décisions te concernant. Obéis sagement, et tout ira bien.
— Quel programme ?
— Je t’ai autorisé à poser une autre question ?
— Heu, non madame.
— La prochaine fois que tu enfreins une règle, tu seras puni. Je ne le répéterai pas. Pour l’instant repose-toi jusqu’au repas de midi, tu iras en cours cette après-midi. Un employé viendra te chercher pour te monter le chemin.
Elle fait demi-tour et sort de la chambre sans un mot de plus. Arthur, stupéfait, s’assoit sur le lit en silence. De là où il est, il peut voir un carré de ciel découpé entre les murs de béton, et le soleil qui joue à colorier les nuages. Il entend en lui-même une voix réciter lentement :
« Le ciel est, par-dessus le toit,
Si bleu, si calme !
Un arbre, par-dessus le toit,
Berce sa palme. »
Il sourit, et se souvient de cette phrase de Supervielle qu’il aime tant : « Ne tournez pas la tête : un miracle est derrière. » Appuyé maintenant contre le mur, il rêve les yeux grands ouverts (j’étais insoucieux de tous les équipages… Les fleuves m’ont laissé descendre où je voulais), et quitte ce temps où les secondes sont sans saveur pour rejoindre ses mondes imaginaires.
*****
Le Centre National de Recherche Neurologique avait été créé voici une vingtaine d’années par le Conseil de Défense de la Nation. Totalement subventionné par l’État, tout ce qui s’y passait était classifié secret-défense. Depuis cinq ans, la majorité des recherches était dirigée sur les méthodes pour influencer les rêves, conditionner les populations par le biais des songes. Et ainsi asseoir plus encore le contrôle sur tout un chacun, le rêve étant le dernier endroit où les citoyens pouvaient encore s’évader, se réfugier, trouver espoir et envie. Et parfois ensuite se révolter.
La très brillante doctoresse Bricaron et son équipe avaient pu mettre au point un émetteur qui, en utilisant les ondes WiFi et 10G omniprésentes sur toute la planète, permettait de s’immiscer dans le sommeil et les rêves, et de les orienter exclusivement vers la peur, l’obéissance et le respect de l’autorité, la futilité de la contestation, la valeur d’un travail bien fait… Dans une population appauvrie, précarisée au maximum et où la survie prenait toute la place, quel meilleur moyen de briser toute forme de révolte qu’en volant ses rêves à chaque personne ? Et permettre ainsi de protéger la classe dirigeante et le système ? L’Émetteur de Conditionnement Humain Onirique, rapidement devenu le projet ECHO, promettait d’être une belle réussite.
*****
Dans la salle de réunion, deux hommes en uniforme militaire et la doctoresse Bricaron sont autour de la table.
— Nous avons un peu tâtonné, mais ECHO est maintenant parfaitement compatible avec toutes les formes d’émission en WiFi et 10G, commence la doctoresse Bricaron. Nous continuons à avancer sur nos recherches selon le timing prévu. Les tests humains ont démarré, pas de retard significatif pour le moment.
— Les nouveaux sujets ?
— Sur les cent dix que nous avons accueillis il y a trois mois, cinq ont dû être éliminés du programme pour instabilité mentale, les résultats n’étaient pas analysables. Dix-sept n’offrent pas les qualités attendues en termes de qualité de rêves. Ils sont déjà tellement conditionnés qu’on ne voit pas de réelle différence avant et après. Et enfin trois sont décédés quand nous sommes passés en mode double flux.
— Un problème technique ? intervient le colonel Feratu.
— Pas réellement. Pour être claire : nous envoyons les messages avec ECHO par le biais des ondes WiFi et 10G. Les ondes sont amplifiées par les puces implantées dans les citoyens. Cette partie-là du process est réglée et fonctionne parfaitement. Mais nous avons aussi besoin d’un retour pour savoir comment les dormeurs sont reprogrammés. Et c’est là où le double flux intervient. Les rêves de tous sont partagés sur le réseau WiFi et 10G grâce à ECHO, et analysés. Ceci nous permet de réagir en cas d’échec, et d’adapter ou améliorer les messages envoyés au cerveau. Mais brancher les dormeurs au réseau provoque une surcharge d’informations que certains cerveaux ne peuvent gérer. Ils ont… on pourrait dire disjoncté. Ils sont ressortis à l’état de légume. Nous avons dû les euthanasier.
— Bah, ça ne fait que quelques futurs rebelles en moins. Et avant même qu’ils n’aient pu se révolter !
— Les pertes sont conformes au plan. Nous attendions environ trente pour cent de déchet, nous en sommes à moins de vingt-trois pour cent. Et un taux prévisionnel de décès en population globale estimé à deux pour cent. Nous avons encore de la marge, répond la doctoresse.
— Il faut accélérer le mouvement, intervient le général Albtraum. La situation est de plus en plus tendue, et nos forces de répression interviennent presque tous les jours pour calmer les excités.
— Sur les quatre-vingt-cinq sujets restants, nous en avons influencé quarante-huit en moins de deux séances. Et trente-deux en quatre séances.
— Et les cinq qui restent ?
— Ils résistent pour le moment. En particulier le sujet… La doctoresse consulte rapidement son ordinateur portable. Oui, le sujet 1984-R2V3S. Presque treize ans, une bonne condition physique, et un imaginaire onirique fort qui résiste à nos tentatives de suggestion. Nous allons tester aujourd’hui même pour ces cinq-là un nouveau mode ECHO avec des ondes plus puissantes, des messages différents, et bien sûr une liaison au réseau.
— En quoi est-ce si important ? Cinq sur quatre-vingt-cinq, c’est négligeable. Les résultats sont déjà clairement encourageants.
— Certes, mais nous ne savons pas quelle proportion de la population ce type de rêveur représente. Et s’ils sont plus nombreux en population globale que dans notre échantillon… Je crains que le Conseil de Défense ne se contente pas d’une approximation.
À ces mots, le général pâlit légèrement.
— Je vous le confirme. Le seul résultat possible est cent pour cent. Que proposez-vous ?
— Un essai dès cette nuit, avec un focus particulier sur 1984-R2V3S.
*****
Arthur dort profondément – les somnifères présents dans le dîner garantissent un endormissement rapide – quand ECHO se met en route. Il a déjà vécu ceci, être dans un rêve, et avoir soudain l’impression d’être attaqué par des cauchemars. Des ombres molles et gluantes qui viennent et tentent de se coller à lui, de l’enserrer et l’étouffer. Jusqu’ici, il lui suffisait d’imaginer un paysage tel qu’il en avait lu dans les livres pour les sentir s’éloigner de lui, puis disparaître. Et il pouvait reprendre sa marche onirique dans des décors étincelants, ensoleillés, et où les gens qu’il croisait lui souriaient.
Mais cette fois-ci, les ombres le suivent, plaquent sur son visage leur consistance gluante, tentent de pénétrer en lui quand il ouvre la bouche pour respirer. Arthur soudain a peur, car c’est la première fois qu’il ne parvient pas à les repousser, et le désespoir qu’exhalent ces fantômes inconsistants est si fort qu’il n’a soudain plus la force de marcher. Il regarde autour de lui, mais il est totalement seul dans cette vaste plaine morne, sans même un arbre. Le soleil se voile, un froid humide pénètre sa chair rêvée, tout lui semble vain et sans espoir. Il n’a soudain plus qu’une envie : se rouler en boule au sol, revenir à la position fœtale, et laisser ses songes et pensées être dilués dans ce bourbier froid où il s’enfonce peu à peu. Il n’a plus d’envie ni de force, il attend que quelqu’un lui dise ce qu’il doit faire. Et il se sent si faible, si vulnérable, si seul !
Quelques vers lui reviennent en mémoire soudain, comme une percée de soleil au travers d’un ciel uniformément gris, et il entend la voix de Paul les réciter à voix haute, les yeux fermés, dans leur petite cave : « Mon enfant, ma sœur, songe à la douceur d’aller là-bas vivre ensemble ! » Et il sent une présence soudain près de lui, et une voix de jeune femme le questionne :
— Aller là-bas ? Mais où ?
Il s’assoit à même le sol, et lève les yeux vers cette apparition. Autour d’eux, c’est une meute de brouillards sombres et menaçants qui les entoure et tourne dans un cercle de plus en plus resserré. Elle doit avoir deux ou trois ans de plus que lui, et ses longs cheveux noirs s’enflamment dans le vent qui s’est levé. Il l’interroge en parlant très doucement, comme par peur de briser le silence qui les environne.
— Tu fais quoi ici ?
— J’ai entendu un appel, alors je suis venue.
— Oh merci. J’avais peur et je me sentais seul.
— Moi aussi j’étais seule. Tu veux qu’on aille où ? Ici c’est glauque.
— Retrouver mes rêves.
— Mais nous sommes dans un rêve !
— Ce n’est pas le mien. D’habitude, ce que je rêve est beaucoup plus joli.
— Alors emmène-moi, je n’aime pas cet endroit.
Il entend à nouveau la voix de Paul en lui, quand le vieil homme lui faisait partager les rêves qui se cachent dans les mots. Et à voix haute, sans bien savoir pourquoi, Arthur se met à déclamer :
« Comme je descendais des Fleuves impassibles
Je ne me sentis plus guidé par les haleurs :
Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles,
Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs. »
L’instant d’après, ils sont tous deux sur un bateau à fond plat, dérivant doucement sur un fleuve immense bordé d’arbres gigantesques aux racines serpentantes. Tout au bout du regard, un soleil immense en aquarelle rouge sur la toile bleue du ciel occupe l’horizon. Peu à peu, d’autres barques apparaissent sur l’eau calme, avec une ou deux personnes à bord. Des regards et des sourires s‘échangent de canot à canot, sans un mot. Le silence est reposant. Il se tourne vers l’adolescente dont il n’a pas lâché la main.
— Comment tu t’appelles ?
— Elsa, et toi ?
— Arthur… Tu as des yeux extraordinaires.
Elle rit comme une cascade d’eau fraîche et lui serre la main plus fort, sans répondre. Après un court moment :
— J’aimerais revoir la mer.
— Pourquoi tu n’y vas pas ?
— Je l’ai perdue.
— Perdu la mer ?
— Oui mais je la retrouverai. J’ai tout mon temps. Dans un rêve, le temps n’existe pas vraiment, c’est un peu comme une éternité.
Arthur soudain voit devant ses yeux la main âgée de Paul tracer à même les nuages en encre de lumière des vers de Rimbaud :
« Elle est retrouvée.
Quoi ? – L’éternité.
C’est la mer allée
Avec le soleil. »
Et l’instant d’après, ils sont tous deux sur le bord d’une plage, à l’estuaire d’un grand fleuve. Dans le ciel, des mouettes blanches et noires calligraphient l’azur de leurs vols sonores. Les ombres noires qui le poursuivaient ne sont plus qu’un souvenir, et il se sent heureux, léger. Il n’a pas lâché la main d’Elsa, et regarde tour à tour le soleil qui roule sur le bord de la mer, et les yeux d’Elsa dans lesquels la lumière se reflète. D’une voix très douce, presque un chuchotement, il lui murmure :
— « Tes yeux sont si profonds qu'en me penchant pour boire
J'ai vu tous les soleils y venir se mirer. »
Elle incline la tête en souriant, émue, se penche et l’embrasse sur la joue. Peu à peu, des centaines, des milliers de barques, bateaux, canots en tout genre, couvrent l’estuaire et les vagues bruissantes. Personne ne parle, mais tous partagent en souriant « L’aube exaltée ainsi qu’un peuple de colombes ». L’aube, et un jour nouveau.
*****
Dans la salle de contrôle, la doctoresse Bricaron pianote frénétiquement sur son clavier, entourée d’écrans qui, telle une meute de loups, l’encerclent et affichent des alertes et des chiffres improbables.
— Ce n’est pas possible, ce n’est pas possible.
— Il se passe quoi ? interroge le général Albtraum.
— Le… Le gamin, nos messages sont sans aucun effet sur lui. Et ses rêves sont en train d’envahir le réseau.
— Comment c’est possible ?
La doctoresse consulte fébrilement différents écrans.
— Le temps ! Le temps dans les rêves n’est pas le même que celui du monde réel. Quelques secondes peuvent représenter des heures et des heures. ECHO en tentant de reprogrammer les autres dormeurs diffuse les rêves du gamin. Des morceaux de poèmes, des phrases de livres. Je ne peux pas contrer ça assez vite.
— Il faut couper ECHO.
— C’est déjà fait, mais c’est trop tard. Ses rêves sont dans le réseau. Ils se sont propagés partout en quelques secondes. Et il est impossible de couper WiFi et 10G sur tout le territoire !
— Ça signifie quoi ?
— Que les gens réapprennent à rêver. Et plus ils sont nombreux à le faire, plus ils en contaminent d’autres.
— Mais c’est une catastrophe !
*****
Sur une plage, quelque part dans un monde imaginaire, des femmes, des hommes, des enfants, de plus en plus nombreux, marchent en souriant, et rêvent d’avenir.
source: http://www.oniris.be/nouvelle/ombhre-reveur-5032.html
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